Retiro, le 20 avril, 20h. Le terminus d’autobus principal de Buenos Aires est un désordre total. La semana santa est synonyme en ces lieux d’agitation extrême : les voyageurs se pressent aux centaines de comptoirs des multiples compagnies de transport avant d’inonder les quais, véritables avenues dans une ville d’autobus. Après être parvenus non sans peine à décoder les indications crachées sur la foule par les haut-parleurs (et je suis accompagnée d'hispanophones, hein!), on se fraie un chemin à force de coups de coudes et d’écrasement d’orteils (¡Disculpa!) jusqu’à notre omnibus. On entre alors dans une bulle à deux étages d’où l’on observe le chaos extérieur.
Dans les fenêtres, en caractères minuscules, figure un avertissement dont voici une traduction approximative à défaut d’avoir gardé le témoignage de ma caméra : « Afin d’éviter toute lésion causée par des roches lancées aux fenêtres, les passagers sont priés de fermer les rideaux lorsque le véhicule circule dans une zone peuplée. » Ah! Mais quelle amabilité de nous rappeler que peuple est synonyme de danger!
« ¿Vino tinto o blanco? », nous demande notre gentil hôte, puis nous bonappétisons. « ¿Champagne?», puis nous bonnenuisons.
À mon réveil, je jette un coup d’œil derrière les rideaux protecteurs des dangereux villageois : nous longeons une forêt qui pourrait tout aussi bien être lanaudoise. Or, je me rends vite à l’évidence quand j’aperçois des voitures maculées de cernes rougeâtres (la terre est égale à celle de l’Î.-P.-É.!), des vaches qui broutent entre des palmiers et des champs de citronniers : je me trouve bel et bien dans l’autre hémisphère, me rapprochant lentement de l’Équateur.
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La jungle… Depuis l’enfance, ça me fait rêver. Un univers mythique, presque un personnage en soi dans les histoires pour enfants ou les récits d’aventure. Eh bien, c’était prévisible : j’ai adoré! Bah, avec tous les sentiers proprets, le petit train qui balade les touristes d’une station à l’autre et les petits bateaux qui combattent les tourbillons au pied des chutes pour ceux qui cherchent à vivre des émotions fortes, c’est une jungle un peu trop bondée et domestiquée pour que ce soit une expérience authentique de la selva, mais c’est tout de même plus près de l’être qu’une visite au Biodôme!
Des effluves intrigantes s’imposent à l'odorat, les impatientes poussent comme des pissenlits, des nuées de papillons de toutes les couleurs nous chatouillent les mains, une tortue et des iguanes se prélassent au soleil, une gigantesque araignée est aux aguets dans ses filets postés sous la passerelle, et un singe nous jette des pelures dans sa hâte de pouvoir manger son orange. Bref, la nature nous en met plein la vue! Et le clou du spectacle : les grandioses cataratas. Notre randonnée est ponctuée d’une multitude de panoramas, chaque nouvelle perspective sur les avalanches de torrents étant plus magique que la précédente, et toujours auréolée d’arcs-en-ciel. Seul bémol (auquel nous nous attendions), c’est une journée d’achalandage extrême, et par conséquent, les belvédères les plus généreux sont plus que combles. Lorsqu’on atteint de peine et de misère le garde-fou, impossible d’y rester plus qu’une minute et de s’imprégner convenablement de l’ambiance mystérieuse que nous offre le paysage, car les autres poussent derrière.
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Après notre journée exotique, Marta et moi avons tenté de planifier notre programme du lendemain. Nous prenons conscience qu'à moins de ne connaître personnellement quelqu’un du coin, il s’avère plutôt compliqué de sortir du tourisme de masse. Il est difficile de se renseigner sur les circuits alternatifs et les possibilités sont limitées en termes de transport. C'est un triste constat car, structuré ainsi, le tourisme profite principalement à une poignées de grandes entreprises sans que les bénéfices ne soient justement répartis dans la communauté. Dépitées et fatiguées d’avoir parcouru la ville d’un centre d’information à l’autre, on est agréablement surprises lorsqu'on se met à discuter avec le tenancier de l’auberge de Marta et Pablo; il nous parle d’une option intéressante, soit partir en balade équestre jusqu’à un village guarani. Marta fond sur place, VENDU!
Malheureusement, notre superbe plan est tombé à l’eau, littéralement : tempête tropicale. Lors de ma dernière journée, j’ai donc déambulé dans le village, détrempée jusqu’aux os, essayant d’imprimer dans ma mémoire l’image des rues bombardées de pamplemousses, avocats, bananes, limes et mangues par la faute des fortes rafales de vent et de pluie.
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