samedi 23 juin 2012

18 juin – Jour 15



Notre maison! (crédit: Élyse)
L’air est bon. Il s’alourdit souvent avant de se délester de quelques averses, mais on respire bien dans cette petite vallée. Le temps s’écoule doucement, ponctué du beuglement des vaches, du chant des coqs et des oiseaux, puis du cri des salamandres (je ne sais pas s’il s’agit véritablement de salamandres et si on peut appeler ça un cri, mais il est certain que ces petits reptiles émettent un son particulier… Comme une série de gros becs mouillés!) Il y a certes des soirs où je préférerais m’épargner les basses fréquences qui nous parviennent du village, appuyant des rythmes reggaeton, mais après tout, il nous faut bien un rappel culturel! Surtout depuis notre bulle qui semble isolée du reste du monde…

À gauche, le dortoir des garçons, et à droite, le comedor. Chaque
matin, quelques enfants nous attendent les bras ouverts au pied
du sentier qu'Éliane descend. (crédit: Élyse)
L’environnement paisible permet presque d’oublier les violences qui tourmentent le pays, mais il ne suffit que de sonder le passé des jeunes pour voir autrement. J’ai l’impression que les multiples cicatrices sillonnant leur corps ne sont qu’une pâle esquisse des blessures que ces enfants portent. Les fois où, discutant avec un enfant, j’ai entrouvert une porte dérobant l’accès au passé, les mots se sont fait rares, la douleur, tangible, et les émotions, poignantes.

Fernandito et Angel, par une journée torrentielle
(crédit: Marie-France)
La semaine dernière nous permit notamment d’observer l’apogée sentimental chez les petits. Il s’agissait de l’une des rares occasions dans l’année où les enfants pouvaient aller passer quelques jours dans leur famille. Certains, les yeux brillants, nous confiaient leur hâte de voir enfin leurs parents, frères et sœurs. D’autres affichaient un enthousiasme plus mitigé, atténué par leurs craintes de refaire face à certaines réalités. Mais le plus troublant fut certainement de lire l’affliction dans le regard de ceux qui ne pouvaient aller rejoindre les leurs, faute d’avoir un parent s’étant manifesté pour les prendre en charge. Presser sur son coeur un enfant qui pleure son abandon est l’une des choses les plus bouleversantes qu’il me fut donné de vivre. On éprouve une telle impuissance devant l’inconsolable…

Or, la plupart d’entre eux sont encore des enfants. Les enfants ont cette faculté salutaire d’émettre les fous rires les plus sincères quelques minutes après avoir épuisé leurs larmes. Et bien qu’ils n’oublient pas, la part d’adulte en eux a déjà appris à se relever suite aux chocs subis. L’apprentissage aux côtés de ces petits hommes n’a de cesse!


Mes six adorables camarades, en pleine
dégustation de l'ananas du dimanche!
Ma tronche d'épanouie (crédit: Élyse)









samedi 16 juin 2012

11 juin - Jour 8


Déjà une semaine. Ou un mois? Une fois au lit, les événements de la matinée semblent s'être produits quelques jours auparavant. Notre première semaine fut allouée aux observations et à la rencontre des enfants. Leurs journées sont réglées seront un horaire précis et des règles bien établies:

5h- Certains se lèvent pour les corvées matinales comme la traite des vaches.
6h- Tous se lèvent
7h- Petit déjeuner (incluant souvent des frijoles... au grand dam de notre estomac!)
8h- Heure de la classe
12h- Dîner (incluant aussi souvent des frijoles...)
13h- Ateliers: boulangerie, menuiserie, travaux d'entretien, agriculture, artisanat.
15h- Ateliers spirituels certains jours, ou sinon un temps libre souvent meublé d'une partie féroce de futból
17h- Souper (comprenant fréquemment des frijoles...)
18h- Travaux scolaires
19h- Temps libre
21h- Coucher

De plus, au fil de la journée, chaque enfant assume certaines responsabilités qui contribuent au bon fonctionnement du Hogar (surveiller les vaches, veiller à ce que les oiseaux ne mangent pas les poissons, vendre du pain à la Colonia de Divina Providencia, etc).

Nous nous sommes donc insinuées dans leur routine, observant le déroulement de leurs classes, donnant un coup de main dans leurs ateliers, discutant avec eux pendant les repas et jouant dès qu'ils n'étaient plus affairés par leur besogne. Les nombreux moment passés avec un ou plusieurs enfants s’enfilent rapidement en un chapelet de souvenirs. D'où l'impression d'avoir séjourné ici une éternité.

Je commence ainsi à mieux connaître les 42 petits hommes. Après trois jours, j'arrivais enfin à tous les nommer et à saisir un peu mieux la personnalité de certains, surtout les plus dégourdis qui n'hésitaient pas à nous aborder. Or, nous étions si souvent submergées par le torrent d'attention qui nous provenait de ceux-ci, qu'il m'en fallut davantage pour connaître ceux à la mine plus effacée. Mais l'énervement suscité par notre arrivée finit enfin par s'atténuer et je trouvai le souffle pour approcher ceux qui lorgnaient de loin nos échanges avec envie. Il ne s'agissait souvent que de tendre un bras, poser une question ou donner la chance de participer à un jeu comme les autres pour qu'ils ne m'enveloppent à leur tour d'une étreinte chaleureuse et qu'ils ne manifestent l'envie d'échanger.

Notre présence sortant désormais moins de l'ordinaire, certaines problématiques ressortent plus visiblement, telles que la violence entre les enfants, les problèmes de comportement, les difficultés d'apprentissage, ou les troubles de langage.  Lors de notre seconde réunion avec le personnel du Hogar,  nous avons pu rapporter nos observations et présenter diverses propositions quant à la forme que le projet pourrait avoir. Don José nous a exhortées en faisant remarquer que ces problèmes observés formaient justement la raison d'être du projet et du Hogar même.

Nous voici donc prêtes à entamer cette semaine-chantier pendant laquelle nous définirons plus concrètement les bases du projet et ferons une entrée en matière avec les enfants.

P.S. J'essaierai d'ajouter des photos le plus vite possible!     

jeudi 14 juin 2012

4 juin - Jour 1


Après un atterissage bien corsé dans la moiteur de Tegucigalpa, notre groupe de six jeunes femmes dégoulinantes se voit enchanté de repérer à l'aéroport le sourire familier de Marie-France et de faire enfin la rencontre du bien sympathique Don José, le directeur du Hogar. En fin d'après-midi, nous nous éloignons de la capitale en minibus.

Une nervosité subtile semble poindre dans le minibus alors que nous approchons du Hogar. Nous trépignons toutes de voir enfin cet endroit et de connaître ces fameux petits. Puis ça y est. Après avoir emprunté quelques petits chemins de campagne, nous longeons un terrain de foot sur lequel on aperçoit un enfant s'immobiliser, suivant notre véhicule du regard. Puis, un autre fait de même un peu plus loin. Don José nous le confirme: nous sommes bien arrivés. D'autres petits affluent et nous suivent à grands pas. Aussitôt la porte entrouverte, une vague d'enfants déferle et nous engloutit sous les étreintes, nous inonde de questions et nous éclabousse de sourires. Le trop-plein d'émotions ne tarde pas à s'écouler aux coins de mes yeux déjà embrumés par la fatigue.

Je ne m'étais nullement préparée à ça... Je pensais devoir apprivoiser fastidieusement une bande de petits hommes farouches et timides, mais je me trouve déjà subjuguée de voir leur coeur qui nous est grand ouvert, irradiant de bonne humeur et d'amour. Far out. Les gamins se ruent sur nos bagages pour les coltiner, prêts à porter une charge équivalant presque leur poids.

Avec entrain, ils nous guident jusqu'au petit nid qu'ils ont préparé pour nous. Notre maison est parfaitement fonctionnelle grâce à leurs efforts déployés durant la semaine pour rétablir l'électricité, nettoyer, installer nos lits et les vêtir de draps on ne peut plus neufs. Ils sont fiers de tout nous montrer. Dès qu'ils ont quitté les lieux pour nous laisser nous installer, nous échangeons toutes un regard avant que ne fusent les rires et les exclamations: nous croulons sous le charme de ces petits, et l'on peut déjà prédire que nous ne tarderons pas à éprouver un fort sentiment d'attachement pour eux. Reste à voir comment évoluera la situation... C'est à suivre!